𝐂𝐞 𝐪𝐮𝐞 𝐣𝐞 𝐩𝐞𝐧𝐬𝐞 est que le glissement d’un mandat politique est une violation flagrante de la Constitution qui est la loi suprême du pays. En effet, en ses articles 70, 103, 105, 197, il est dit que les élections doivent se réaliser tous les cinq ans. Cela s’entend à tous les niveaux (présidentiel, législatif national et provincial ainsi que territorial). Si pour une raison ou une autre ce délai n’est pas respecté, la gouvernance politique du pays rentre totalement dans l’illégalité, mieux dans l’inconstitutionnalité. On peut vouloir inventer un terme pour « purifier » le péché politique commis, en le dénommant « glissement », « prolongation », « rattrapage-covid », le contenu reste le même : il s’agit bien de la violation de la Constitution, l’objectif visé étant de rester au pouvoir au-delà de la période requise par le constituant. Les motifs pour justifier ce dérapage ne manquent jamais : insuffisance de moyens pour financer le processus électoral, survenance de la pandémie qui a occasionné de contre-performances économiques, nécessité d’une réforme de la loi électorale, recensement de la population pour s’assurer du nombre exact des électeurs.
Ces arguments paraissent politiquement corrects, mais ne sont pas conformes à la volonté du peuple. En effet, la limitation de mandats politiques répond principalement aux exigences de redevabilité en vue de permettre aux dirigeants élus de rendre compte à la population ; C’est sur base du travail accompli par le gouvernement que la population est à mesure de renouveler ou pas les mandats de ses dirigeants ou représentants. C’est cela la démocratie ; comme le disait Abraham Lincoln à Gettysburg, le 19 novembre 1863, c’est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.
𝐂𝐞 𝐪𝐮𝐞 𝐣𝐞 𝐩𝐞𝐧𝐬𝐞 est que la durée d’un mandat présidentiel n’est pas une invention congolaise comme d’aucuns peuvent l’imaginer. Elle peut être de sept ans comme jadis en France, cinq ans comme en RDC ou quatre ans comme aux Etats Unis, la plus grande démocratie du monde. Le mandat peut être renouvelable une fois ou plusieurs fois comme en Allemagne selon la volonté du constituant mieux exprimé par la Constitution. Angela Merkel a été réélue quatre fois et a passé seize ans (2005-2021) au pouvoir en Allemagne, la plus puissante économie de l’Europe. Elle a quitté le pouvoir avec une forte popularité. Ce n’est pas la durée du mandat qui garantit des bons résultats du gouvernement ou d’un régime politique. Sinon, le Maréchal Mobutu, qui a passé trente-deux ans au pouvoir de manière ininterrompue, aurait hissé la RDC parmi les économies émergentes du monde. Par ailleurs, les présidents américains ne seraient jamais réélus parce que le court mandat de quatre ans ne permettrait pas à leurs gouvernements de réaliser des résultats socio-économiques sur base desquels le peuple déciderait. Or, Bill Clinton a été réélu du fait de performances socio-économiques remarquables qu’il a réalisées au cours du premier mandat de quatre ans. D’une manière générale, on a vu des dirigeants restés longtemps au pouvoir être chassés par le peuple ; par contre, on a vu de dirigeants accomplir leurs mandats courts et être réélus plusieurs fois, comme Angela Merkel tout récemment. Tout est question fondamentalement des résultats obtenus au terme du mandat, qu’il soit long ou pas. Et cela est fonction, de la qualité du leadership et de la gouvernance. La pandémie, les catastrophes naturelles, les rébellions, les guerres, l’âge et autres ne peuvent pas constituer des arguments valables pour justifier une prolongation de mandat.
𝐂𝐞 𝐪𝐮𝐞 𝐣𝐞 𝐩𝐞𝐧𝐬𝐞 est que le prix à payer d’un glissement politique est généralement très lourd qu’on ne peut l’imaginer. Principalement, parce qu’il détruit la fondation sur laquelle est bâti le pacte de communion et de redevabilité entre les dirigeants et le peuple, à savoir la confiance. Comment voulez-vous que le peuple ait confiance en ses dirigeants lorsque ceux-ci s’opposent à sa volonté de limitation de mandats librement exprimée dans la Constitution ? Or, rien d’efficace, d’excellent et de durable ne peut être accompli sans la confiance. Et pour contourner la volonté du souverain primaire, les dirigeants politiques passent par des formules anticonstitutionnelles et illégales généralement connues sous la dénomination de « consultation nationale » ou « dialogue national » qui ne sont pas des élections et qui ne peuvent nullement les remplacer. Ces forums monstrueux téléguidés par les tenants du pouvoir produisent souvent des institutions politiques telles que « gouvernement d’union nationale » ou « gouvernement de transition » ou « gouvernement de coalition ». Ce type d’institution est obligé, pour sa survie, de réunir non seulement les tenants du pouvoir, mais aussi les tenants de l’opposition. Les deux blocs s’entendent alors pour gérer le pays dans l’illégalité totale au grand dam de la population. Ce qui amplifie la fracture entre le pouvoir et le peuple. Le cas le plus récent est celui du dernier glissement en 2017-2018.
𝐂𝐞 𝐪𝐮𝐞 𝐣𝐞 𝐩𝐞𝐧𝐬𝐞 est que la prolongation des mandats électifs, quelle que soit sa durée, la formule et la communication utilisées pour justifier la décision, est nuisible non seulement à la population, au pays mais aussi aux dirigeants. A la population, parce que les gouvernements de coalition ou d’union nationale, ont généralement produit de mauvais résultats socio-économiques à cause de l’inefficacité de la politique économique en proie en de contradictions internes dues aux conflits d’idéologies et d’objectifs des principaux coalisés. Au pays, parce la crise de confiance qui en résulte et ainsi que les tensions sociales qui s’ensuivent, refluent les incertitudes et détériorent le climat des affaires ; ce qui impacte négativement l’investissement privé, base de toute croissance économique et prospérité. Aux dirigeants, parce qu’à terme, ils sont contestés par la population du fait non seulement de la rupture de confiance, mais aussi de résultats socio-économiques mitigés résultant du glissement politique et du manque de cohérence de la politique mise en place, dictée par les échéances électorales plutôt que par l’intérêt général et le respect des outils programmatiques du pays.
L’idéal serait donc à tout point de vue et à tout prix d’éviter le glissement politique sous toutes ses formes, y compris par le changement de la Constitution pour le réajustement de la durée du mandat. On connait la recette et c’est du « déjà vu » : on change la constitution, et on remet le compteur des mandats à zéro. Dans tous les cas, les résultats sont les mêmes. Que dire de pays qui n’ont pas de Constitution et qui respectent scrupuleusement les us et coutumes établis ? Que dire de ceux qui l’ont, mais ne le changent jamais et qui progressent économiquement chaque année ? les meilleurs exemples pour la RDC sont légion et copier les bons modèles ne constitue point une faiblesse, encore moins une défaite ! Au contraire !
𝐊𝐢𝐧𝐝𝐮, 𝐥𝐞 𝟎𝟔 𝐚𝐨û𝐭 𝟐𝟎𝟐𝟐.
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